Djet - Compétition - 1963 l'année de tous les espoirs

Du Mans au Salon de l'Auto

Homologation du Djet pour les compétition en GT

Les essais effectués à la soufflerie Breguet de Vélizy du 10 au 12 Avril en même temps que quelques prototypes de la Régie Renault, ont donné des résultats qui vont être utilisés pour les voitures engagées au Mans.

Quatre Djet neufs ( Rep CG 60 à 63) vont être modifiés en tenant compte des résultats obtenus sur la maquette au 3/10°. Ces essais ont été effectués sur une balance de paroi à 6 composants conçue spécialement pour les essais de véhicules automobiles. Ainsi les mesures sont effectuées en présence d’un plancher monté dans la veine d’air sous la maquette de façon à prendre en compte l’influence du sol (c’était nouveau à l’époque). On retiendra un Cx qui passe de 0,3 à 0,21 à incidence nulle, valeur à mettre en parallèle aux Cx des Renault qui s’échelonnent de 0,35 à 0,45 !

Combiné à une surface frontale (S) faible, conséquence du choix délibéré de Jacques Hubert. Ce dernier voulait (on était en 1962), une voiture fine et étroite, à l’image des voitures types de la catégorie 700 cm3 comme les Osca. Les résultats obtenus permettaient d’envisager une vitesse de pointe similaire à l’Alpine équipée d’un moteur identique. L’Alpine atteignait sans doute, un Cx plus faible mais elle était handicapée par son maître-couple plus important (S) conséquence du choix effectué sur la dimension de ses voies.

Le facteur important est le produit du maître-couple par le coefficient de pénétration dans l’air soit : S.Cx Et les gains sur la surface frontale sont équivalent aux gains sur le Cx. De toute façon René Bonnet n’avait pas les moyens de reconstruire une nouvelle barquette. On espérait tout de même que le Djet allait courir en GT.

Hélas l’homologation n’avait toujours pas été validée (obtenue le 25 Aout 1963 , mais suspendue à la production d’au moins 100 véhicules ce qui ne fut le cas que fin décembre). Toutes les voitures allaient devoir courir en catégorie Prototype et par conséquent devaient toujours circuler sous immatriculation provisoire LM6.

Les 24 heures du Mans 1963

Le Mans cette année là promettait une affiche extraordinaire. Non seulement par le nombre de marques représentées, mais encore par le nombre de pilotes de renom qui allaient s’y affronter. Le nombre de demandes d’engagement dépassant les cent voitures, imposait à l’A.C.O. des choix difficiles pour offrir un plateau suffisamment diversifié.

Lors de l’édition 1962, on ne comptait pas moins de 15 Ferrari. Mais l’annonce pour 1963 de la présence de Jaguar, Aston-Martin, Porsche, Chevrolet, Maserati, AC Cobra ainsi qu’une grande inconnue la LOLA animée d’un moteur Ford V8 de 4,7 litres, (derrière laquelle on sentait la présence officieuse du grand constructeur américain) obligeait l’A.C.O. à  limiter leur nombre à 8.

Dans les rangs des « petites », la situation était similaire. Pour accueillir de nouveaux entrants comme Alpine, l’ASA à moteur Ferrari ou Deep Sanderson, et garder des places pour les Abarth, CD, Osca, Alfa ,MG, Lotus Elite, toutes les demandes ne pourront pas  être satisfaites. René Bonnet, comme Alpine, ne se voient accorder que 3 voitures titulaires : 2 Aérodjet et La barquette modifiée en coupé qui avait participé aux essais d’Avril.

Mais l’écurie Méditerranée, par l’intermédiaire de son président Urbain Fabre, a pu obtenir de son côté, un engagement pour Jean Rolland et Jean-Pierre Manzon pour un autre Aéro double arbre.

Au fil des semaines qui séparent les Essais de la course, les défections se multiplient. L’ASA semble devenir la voiture fantôme, Abarth découvre (??) avec un peu de retard que la définition du spyder  n’est pas en ligne avec le nouveau règlement et qu’il ne pourra compter que sur ses berlinettes ! A ces forfaits s’ajouteront Chevrolet et Osca .

René Bonnet pourra ainsi récupérer une place pour l’Aérodjet inscrit en suppléant sous le Numéro 41.

1963 - Reconnaissance du circuit du Mans par Gérard Laureau en DJET !!

René Bonnet et son équipe au Mans 1963

René Bonnet
  • Barquette N° 54 Moteur 55RG (2ACT) 700 cm3 pour Laureau et Vinatier
  • Aéro         N° 53 Moteur 55RG 700 cm3 pour Beltoise Bobrowksi
  • Aéro         N° 51 Moteur 55RG 1000cm3 pour Masson et Monneret
  • Aéro         N° 41 Moteur 54 RG (hémi)  pour Bouharde et Basini
Urbain Fabre (Ecurie Méditerranée)
  • Aéro         N° 52 Moteur 55 RG 1000 cm3 pour Jean Pierre Manzon et Jean Rolland

Le pilote de la Lotus Elite doit pelleter du gravier pour se dégager !

Pour la course après les essais des mercredi et jeudi, deux séries de modifications vont être apportées aux voitures.

La casse d’un des moteurs de 700 cm3 amène l’équipe à installer un double arbre 1000 dans la barquette N°54 et, par mesure de précaution, un hémisphérique 1100 cm3 est monté dans l’Aéro N° 53 qui avait fait les essais avec un 700 cm3.

Par ailleurs, les 4 AéroDjet seront équipés de nouveaux réservoirs de plus grande capacité (65 litres au lieu de 55), les voitures n’ayant pas été éligibles en catégorie GT. La catégorie Prototype autorisait une capacité plus  importante permettant de diminuer le nombre d’arrêts ravitaillement sur 24 heures.

Le départ est donné cette année dans l’ordre des temps réalisés aux essais.(pour ceux qui consulteraient les temps réalisés par les différents pilotes pour les qualifications, ne pas oublier que certains ont effectués leurs temps de qualification avec le 700 cm3 !)

Pedro Rodriguez auteur du meilleur temps sur sa Ferrari N° 40 (4 litres) à moteur avant est battu dans cette course au démarrage par Phil Hill qui rejoint l’Aston-Martin N°18 plus rapidement. Mais dés Mulsanne c’est la Maserati N°2 d’André Simon qui prend la tête de l’épreuve forte de ses 4,9 litres de cylindrée.

Guilhaudin sur CD DKW  700 cm3 ne bouclera même pas le premier tour. Dérapant sur une traînée d’essence à Arnage, il sort de la route et doit abandonner. De son côté, la Lotus Elite N° 39 de Fergusson / Wagstaff fait connaissance, dès le premier tour aussi, avec le bac à sable de Mulsanne et son pilote doit à grands coups de pelle la désensabler pour reprendre la piste (voir photo ci-dessus).

Y trouvant sans doute un certain attrait ou bien était-ce l’approche des vacances et le rêve d’être sur une belle plage française il recommence au même endroit le tour suivant ! (il faisait très beau et chaud ce samedi au Mans), il finira à une fort honorable dixième place au général et gagnera la classe GT 1300 cm3 !

Trente minutes s’étaient à peine écoulées que Masson sur l’Aéro N° 51, voulant sans doute laisser le passage aux voitures de tête qui se rapprochaient, dévie de sa trajectoire en haut de la bosse menant aux « Esses » et d’une façon peut-être similaire à l’accident qui avait coûté la vie à Armagnac à Monthléry, part en tête à queue et se retourne dans la descente, la voiture glissant sur le toit sur plus de 100 mètres, reste immobilisée au milieu de la piste.

Inutile de rappeler qu’il n’y avait ni arceau ni ceinture de sécurité dans la plupart des voitures de course à cette époque. Par une chance incroyable et le talent des pilotes qui le suivaient, tous les concurrents  parviennent à l’éviter. Il est secouru  par les commissaires qui le conduisent à l’ambulance couvert de nombreuses blessures heureusement superficielles.

Les commissaires, tous bénévoles rappelons le, réussissent à tirer l’épave sur le bas côté à la force du poignet en s’aidant d’une énorme corde ! On était loin des engins que l’on trouve actuellement le long des circuits.

Chez Alpine les trois M63 sont équipées du 1000 cm3 2 ACT, deux concourraient au classement à l’indice de performance, la troisième pour l’Indice Energétique. Rosinski faisait équipe sur la N° 48 avec Christian « Bino » Heins responsable du service compétition de l’usine Interlagos au Brésil qui fabrique les Alpine sous licence.

La M63 N° 49 était pilotée par René Richard et Piero Frescobaldi. Toutes les deux devaient tourner sur une base de 4’ 40 à 4’50 au tour. La troisième voiture, la N° 50, réglée pour minimiser la consommation avait un tableau de marche aux alentours de 4’ 55 . Elle était aux mains de Bernard Boyer et de Guy Verrier deux transfuges des CD de 1962. 

Le classement à la fin de la première heure donnait l’Alpine de Rosinski en 26ème  position juste derrière deux Porsche GT 2 litres. Elle précédait la René Bonnet Proto qui se situait alors en 28ème position.

La deuxième Alpine pointait en 32ème position, elle devançait Manzon / Rolland 35ème  et Basini / Bouharde classé 36ème.

Beltoise / Bobrowski avec leur hémisphérique devançaient la M63 de Boyer / Verrier.

A 18 heures la M63 N°48 menait toujours devant la Barquette N° 54, l’Aéro de Manzon / Rolland, la 41 de  Basini / Bouharde et les deux autres M63.

Masson se retourne et glisse sur 100m, seulement de légères blessures !

L’Aéro de Beltoise avait du s’arréter au stand suite à une touchette à l’arrière gauche avec une voiture ensablée à Mulsanne car l’équipe craignait une répercussion possible sur la suspension arrière. Elle ne précède plus que les spécialistes du sable, la Lotus et la MG de Hutcheson / Hopkirk.

Peu de temps après, deuxième coup dur pour René Bonnet, la barquette conduite par Jean Vinatier tombe en panne sèche sur le circuit. Impensable, absurde et pourtant réel ! Pourquoi une telle erreur sur la voiture de pointe de l’équipe ?

Principale raison, sans doute, le rythme soutenu en début de course pour suivre l’Alpine de Rosinski qui alignait les tours à plus de 170 km/h de moyenne. Comme sur la barquette on avait  changé  le moteur juste la veille, la cylindrée était passée de 700 à 1000 cm3 soit plus de 40% d’augmentation, ce moteur n’avait pas pu être étalonné en consommation dans de telles conditions.

En plus le réservoir situé à l’intérieur du treillis de la poutre centrale ne faisait qu’environ 60 litres, alors que sur les Aéro équipés du même moteur, des réservoirs plus importants avaient été installés. L’équipe ne pouvait pas non plus attendre de signal précurseur en provenance de l’autre voiture, qui tournait moins vite. Enfin, dernière référence, le deuxième Aéro 1000 double arbre avait été détruit en tout début de course.

Peu après 20 heures l’Aston-Martin de Bruce Mac-Laren explose son moteur et lâche ses 14 litres d’huile sur la piste au niveau du virage de la ligne droite des Hunaudières (poste 63), juste après la bosse. Roy Salvadori son suivant immédiat essaie de freiner mais sa Jaguar se retourne au milieu de la piste et il est éjecté. Il est évité de justesse par l’Aston Zagato de Franc qui part en toupie avant de s’immobiliser.

Arrive alors l’Aéro de Manzon qui part dans une série de tonneau interminable avant de se couper en deux et d’éjecter son pilote qui reste étendu au beau milieu de la piste complètement sonné.

Plus tard, un feu clignotant sera installé au niveau de la bosse de ce virage actionnable par les commissaires du poste 63 situés juste en aval de cette bosse afin de prévenir les concurrents qui abordent ce secteur sans aucune visibilité sur ce qui se passe dans le virage. Les commissaires du poste 63 devaient courir 50 à 100 m pour avertir les pilotes abordant le secteur à pleine vitesse.

Bino Heins, qui vient de prendre le relais de Rosinski après avoir ravitaillé, tente d’éviter les hommes et les carcasses parsemés sur la piste ; il essaye de passer par le côté gauche mais malheureusement ses roues mordent sur l’accotement, il sort de la route et vient se fracasser sur un poteau téléphonique. La voiture prend immédiatement feu ne laissant aucune chance à son pilote. (Il n’y avait pas de glissières de sécurité à cette époque). Il est tué sur le coup.

La M63 N° 48 occupait alors la tête des deux classements Indice de Performance et Indice Energétique, elle avait effectué son meilleur tour en 4’ 33 . Chez Alpine c’est la consternation après un début de course qui leur avait fait envisager tous les espoirs. La 49 est confrontée à des problèmes d’embrayage et malgré un changement rapide, Frescobaldi ramènera sa voiture au stand pour abandonner peu après 22 heures.

La nuit n’apporte pas de modifications pour les deux équipes. Au petit matin l’Alpine survivante N° 50 est en tête de l’Indice Energétique, elle occupe une excellente onzième place au classement général. Les deux frères ennemis n’ont  plus qu’une voiture chacun !

A mi course, Boyer et Verrier chez Alpine sont  en 12ème position et en tête de l’indice Energétique.

Chez René Bonnet c’est l’Aéro hémisphérique de Beltoise / Bobrowski qui pointe en quatorzième position devant celui de Basini  / Bouharde retardé par une surchauffe moteur due à une  rupture de la courroie de pompe à eau.

Inévitablement, le joint de culasse cèdera et malgré une réparation éclair, la distance parcourue ne sera pas suffisante pour être classé officiellement.

Coup de théâtre, en début d’après-midi, l’Alpine N° 50 s’arrête à son stand avec le bruit caractéristique d’une bielle coulée ! Les mécanos se précipitent pour identifier et changer le ou les coussinets touchés en espérant que le vilebrequin n’ait pas été endommagé. La voiture repartira mais sera contrainte à l’abandon peu après.

L’hécatombe avait aussi touché les leaders de l’épreuve. Mairesse qui avait mené la course avec Surtees 15 heures durant sur le Ferrari 3 litres N° 23 avait du abandonner sa voiture en flammes au milieu de la matinée !

Restait l’Aéro 53 en course, René Bonnet tenait-il sa revanche malgré la perte de quatre voitures ?

Une course n’est jamais finie tant qu’on n’a pas franchi la ligne d’arrivée. Bobrowski s’arrêtait en panne électrique à la sortie de Mulsanne. Un fil avait été coupé par la roue de secours dans le coffre avant et il devait réparer avec les outils disponibles dans la voiture.

Pas d’outils bien sûr et Bernard Consten qui officiait comme commissaire à cet endroit surveillait sans complaisance qu’aucune aide matérielle ne lui soit fournie.

Claude Bobrowski arrivait à se dépanner avec…..ses dents. Il repartait et grâce à l’abandon de l’Alpine il remportait l’Indice Energétique de cette 31ème édition des 24 heures du Mans dont les vainqueurs au général avaient pour nom  Scarfiotti et Bandini sur Ferrari.

Bobrowski en panne électrique, il se dépanne avec les dents....

Djet vaincoeur de l'indice énergétique - Piloté par Claude Bobrowski

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